« Tais toi !» , « mais reste en place! », « tu parles trop fort », « je n’arrive pas à me concentrer avec toi » !
Le pauvre petit doit avoir 6 ans et il n’ose même plus bouger un cil. Sa mère le reprend à chaque mouvement, presque à chaque respiration.
Ils sont assis derrière nous dans le train et les regards des autres voyageurs se font complices, solidaires dans le mépris envers la mère indigne.
Je finis par me retourner et réalise que la maman est beaucoup plus jeune que je l’imaginais. Mon fils de 10 ans est à côté de moi, plongé dans son Picsou, hermétique à la scène qui se joue à un mètre de nos sièges.
J’entends la mère confirmer une date pour un entretien. Son anglais est parfait. Le portable vissé à l’oreille elle tend une pomme à son fils. A peine a-t-elle raccroché qu’elle se fâche à nouveau parce qu’il n’a pas faim. « Pas de sucrerie ! ton père va t’en donner assez aujourd’hui et je te récupère toujours trop excité! ». Sa voix se casse et je l’entends s’efforcer de prendre de grandes respirations. J’ai envie de lui dire « insiste sur l’expiration, pas l’inspiration. Tout est bloqué dans ta poitrine, tu vas pleurer si tu inspires avec autant d’effort, tu ne pourras pas te calmer ».
Trop tard.
Elle pleure et plus elle serre les dents, plus les larmes jaillissent.
Les petits doigts de son enfant sont tous blancs à force de la serrer contre lui.
Mon fils lève les yeux de son livre et me murmure, « il faut qu’elle apprenne à prendre un « me time » sinon forcement, son verre il déborde ».
Hier soir j’assistais à une soirée débat sur l’éducation positive et bienveillante.
Des concepts que l’on ne peut que respecter et vouloir faire siens. Les intervenants critiquaient l’école traditionnelle qui abrutit nos enfants, les parents qui manquent de patience, ceux qui obligent leurs enfants à manger des carottes et bien sur les mères qui n’allaitent pas et empoisonnent leur progéniture à force de biberons qui vont en plus leur déformer la mâchoire.
Tout tournait autour de l’enfant, et rien sur les parents. Rien sur les éducateurs qu’il est toujours de bon ton de critiquer. La maman du train n’est pas une mauvaise mère parce qu’elle n’écoute pas les émotions de son enfant et qu’elle lui manque de respect. C’est une mère épuisée, dépassée et triste.
Et si dans l’éducation positive on considérait aussi le soutien aux parents ? Si on adoptait une approche holistique de l’éducation en incluant la famille et l’école, en considérant le bien être du groupe plus que celui d’individus en particuliers ?
Dans mes cours de yoga et de gestion du stress, j’accueille des parents épuisés. Ils ne me le disent pas, mais leur corps et leur respiration parle pour eux. Ce sont des parents pétris des meilleures intentions, mais leurs journées ne font que 24h et leur coupe est pleine. Ils se mettent une pression incroyable, sans télé, sans écran à partir de 18h, sans gluten, sans sucre, sans un mot au-dessus de l’autre. Pour pouvoir donner du temps de qualité, il faut déjà en avoir. Ils n’en n’ont plus et sont étouffés par leurs exigences de perfection.

Enseigner le respect et la compassion aux enfants ne se fait pas seulement avec des animaux dans la ferme. Ça commence à la maison, dans la famille. Je connais ces moments où je suis tiraillée entre les demandes de ma vie de famille et celles de mon travail. La maman du train, ça pourrait être moi si je n’avais pas appris à poser mes limites avec mes enfants. Ils ont 10 et 12 ans et depuis quelques années ils ont appris que je ne suis pas toujours disponible. Que j’ai besoin de moments pour recharger mes batteries toute seule, pour être totalement dans mon job, ou simplement parce que je suis concentrée sur une discussion avec une autre personne.
Quand mon fils vient à moi avec une super histoire à partager tout de suite maintenant, il ne se vexe pas quand je lui demande de la garder encore un tout petit peu pour lui parce que je ne peux pas lui donner toute l’attention qu’elle mérite maintenant. S’il ne peut pas attendre, il va la dessiner le temps que je le rejoigne. Mais quand je suis présente, je le suis à 100%. Le multitasking est une perte d’energie et de temps.
Ma préado a perfectionné l’art du « Me Time » dans sa chambre – comme toutes les copines de son âge. Je le respecte autant qu’elle respecte autant le mien. La réciproque est essentielle.
Arrêtons de culpabiliser les parents avec l’éducation bienveillante ou tout doit se faire dans le seul intérêt de l’enfant : Il vaudra toujours mieux une maman qui donne le biberon en souriant a son enfant qu’une qui se sacrifie et allaite en serrant les dents et en pleurant de douleur ! Ce serait formidable de nourrir nos enfants exclusivement au bio et selon leurs gouts, mais dans la vraie vie c’est difficile et c’est cher. « La cantine c’est pas bon ! », oui mais c’est fédérateur, ça crée des anticorps et ça fait apprécier la bonne nourriture de maman le soir !

En mettant l’enfant au centre, n’oublions pas la périphérie : visons le bien-être de la famille, et celui de l’école. Ensemble, on va plus loin et avec plus de plaisir, de respect et de curiosité et de compassion!

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